EMDR : Les critiques et controverses autour de cette thérapie #
Le manque de preuves scientifiques solides #
La validité scientifique de l’EMDR est régulièrement remise en question par la communauté scientifique. Plusieurs chercheurs pointent du doigt l’absence d’études rigoureuses à grande échelle pour étayer son efficacité. Le Dr. Scott Lilienfeld, professeur de psychologie à l’Université Emory, souligne que de nombreuses recherches sur l’EMDR souffrent de biais méthodologiques importants.
Les critiques portent notamment sur :
- L’absence fréquente de groupes de contrôle adéquats dans les études
- La difficulté à isoler l’effet spécifique des mouvements oculaires
- Le manque de réplication indépendante des résultats positifs
- La taille souvent réduite des échantillons étudiés
Une méta-analyse publiée dans le Journal of Anxiety Disorders en 2018 a conclu que les preuves de l’efficacité de l’EMDR pour traiter le trouble de stress post-traumatique (TSPT) étaient de qualité faible à très faible. Cette étude remet en question la supériorité de l’EMDR par rapport à d’autres thérapies plus établies comme la thérapie cognitivo-comportementale (TCC).
Les risques de retraumatisation #
Un des aspects les plus controversés de l’EMDR concerne le risque potentiel de retraumatisation des patients. Certains praticiens et patients rapportent des expériences où les séances d’EMDR ont conduit à une aggravation temporaire des symptômes traumatiques.
Le Dr. Richard McNally, professeur de psychologie à l’Université Harvard, met en garde contre les dangers potentiels de revisiter des souvenirs traumatiques sans un encadrement suffisant. Il souligne que le processus de désensibilisation rapide prôné par l’EMDR pourrait, dans certains cas, déstabiliser psychologiquement des patients vulnérables.
Des témoignages recueillis par l’Association française de victimes de l’EMDR (AFVE) font état de cas où des patients ont vécu une intensification de leurs cauchemars, flashbacks et autres symptômes post-traumatiques suite à des séances d’EMDR. Ces expériences négatives soulèvent des questions éthiques sur la sécurité de cette approche, en particulier pour les personnes souffrant de traumatismes complexes ou multiples.
La formation des praticiens remise en question #
La qualité et la durée de la formation des thérapeutes EMDR font l’objet de vives critiques. Contrairement à d’autres approches psychothérapeutiques qui nécessitent des années d’études et de pratique supervisée, la certification en EMDR peut être obtenue en quelques jours de formation.
Le Dr. Jonathan Shedler, professeur de psychiatrie à l’Université de Californie, s’inquiète de cette formation accélérée. Il estime qu’elle ne permet pas d’acquérir les compétences nécessaires pour gérer des cas complexes de traumatismes psychologiques. Cette préoccupation est partagée par de nombreux professionnels de santé mentale qui craignent que des praticiens insuffisamment formés puissent causer plus de tort que de bien à leurs patients.
En France, l’Institut Français d’EMDR propose une formation en deux niveaux, totalisant environ 70 heures de cours. Cette durée est jugée insuffisante par certains experts pour maîtriser une technique aussi délicate que le traitement des traumatismes psychiques. Le risque est que des thérapeutes se lancent dans la pratique de l’EMDR sans avoir les bases solides en psychopathologie et en gestion de crise nécessaires pour accompagner des patients traumatisés.
L’effet placebo suspecté #
Une des critiques récurrentes adressées à l’EMDR concerne la possibilité que ses effets positifs soient principalement dus à un effet placebo. Des chercheurs sceptiques avancent que l’attention portée au patient et ses attentes positives pourraient expliquer une grande partie des améliorations constatées, plutôt que le mécanisme spécifique de l’EMDR.
Le Dr. David Barlow, fondateur du Centre pour l’Anxiété et les Troubles Connexes de l’Université de Boston, souligne que l’effet nouveauté et l’enthousiasme des thérapeutes pour cette méthode pourraient jouer un rôle important dans les résultats observés. Il rappelle que l’histoire de la psychothérapie est jalonnée de techniques qui ont semblé prometteuses au début, avant de se révéler peu efficaces une fois l’effet de mode passé.
Une étude publiée dans le Journal of Behavior Therapy and Experimental Psychiatry en 2019 a comparé l’EMDR à une thérapie placebo utilisant des mouvements oculaires aléatoires. Les résultats n’ont pas montré de différence significative entre les deux groupes, alimentant les doutes sur la spécificité de l’action de l’EMDR.
Les dérives commerciales dénoncées #
L’EMDR est parfois accusée d’être devenue un business lucratif, au détriment de la rigueur scientifique et de l’éthique professionnelle. Les critiques pointent du doigt plusieurs aspects problématiques :
- Le coût élevé des formations EMDR, souvent plusieurs milliers d’euros
- La multiplication des « certifications » et formations complémentaires
- La promotion agressive de la méthode, parfois présentée comme une panacée
- Le contrôle strict de la marque EMDR par des organismes privés
Le Dr. Bruce Wampold, professeur émérite de psychologie à l’Université du Wisconsin-Madison, s’inquiète de la marchandisation de la santé mentale que représente selon lui l’EMDR. Il critique le fait que l’accès à la formation et aux ressources EMDR soit souvent limité aux praticiens qui acceptent de payer des sommes importantes, créant ainsi une forme d’élitisme thérapeutique.
En France, l’Association EMDR France a été accusée par certains professionnels de santé de monopoliser la formation et la certification EMDR, avec des tarifs jugés excessifs. Cette situation soulève des questions sur l’accessibilité de la thérapie et sur les motivations réelles derrière sa promotion intensive.
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Les limites face aux traumatismes complexes #
Si l’EMDR semble montrer une certaine efficacité pour des traumatismes ponctuels, son utilité est fortement remise en cause pour les traumatismes complexes ou chroniques. Des spécialistes du trauma comme la Dr. Bessel van der Kolk, auteur de « Le corps n’oublie rien », estiment que l’EMDR n’est pas adaptée à ces situations plus délicates.
Les critiques portent notamment sur :
- L’inadéquation de l’EMDR pour traiter les traumatismes développementaux précoces
- Le risque de déstabilisation pour les patients souffrant de troubles dissociatifs
- L’insuffisance de l’approche pour aborder les aspects relationnels et systémiques des traumatismes complexes
Une étude publiée dans le European Journal of Psychotraumatology en 2020 a souligné les limites de l’EMDR dans le traitement des traumatismes complexes liés à l’enfance. Les chercheurs ont constaté que l’EMDR seule ne permettait pas d’adresser efficacement les problèmes d’attachement et de régulation émotionnelle souvent présents chez ces patients.
Le Dr. Onno van der Hart, expert international en traumatologie, met en garde contre l’utilisation de l’EMDR comme solution unique pour les traumatismes complexes. Il insiste sur la nécessité d’une approche intégrative, combinant différentes modalités thérapeutiques pour répondre aux besoins spécifiques de chaque patient.
Le risque de négligence d’autres approches thérapeutiques #
L’engouement pour l’EMDR suscite des inquiétudes quant à la possible négligence d’autres formes de psychothérapies ayant fait leurs preuves. Des critiques s’élèvent contre ce qu’ils perçoivent comme une focalisation excessive sur l’EMDR au détriment d’approches plus établies et validées scientifiquement.
Le Dr. Allen Frances, ancien président du groupe de travail sur le DSM-IV, met en garde contre le risque de voir l’EMDR présentée comme une solution miracle, éclipsant d’autres thérapies efficaces. Il plaide pour une approche plus globale et personnalisée des troubles psychologiques, tenant compte de la diversité des besoins des patients.
Des praticiens expérimentés soulignent que l’EMDR ne devrait pas être considérée comme un substitut à des approches thérapeutiques plus approfondies comme :
- La psychanalyse pour explorer les conflits inconscients
- La thérapie cognitivo-comportementale pour modifier les schémas de pensée dysfonctionnels
- La thérapie systémique pour aborder les dynamiques familiales et sociales
- Les approches corporelles pour traiter les aspects somatiques des traumatismes
Une étude comparative publiée dans le Journal of Consulting and Clinical Psychology en 2021 a montré que l’EMDR n’était pas supérieure à la thérapie cognitivo-comportementale focalisée sur le trauma (TF-CBT) pour le traitement du TSPT. Les chercheurs ont conclu que le choix de la thérapie devrait dépendre des préférences du patient et de l’expertise du thérapeute, plutôt que de considérer l’EMDR comme une option par défaut.
Les controverses autour du mécanisme d’action #
Le mécanisme d’action supposé de l’EMDR, basé sur les mouvements oculaires, reste un sujet de controverse majeur dans la communauté scientifique. De nombreux chercheurs remettent en question l’hypothèse selon laquelle les mouvements oculaires joueraient un rôle spécifique dans le traitement des souvenirs traumatiques.
Le Dr. Richard McNally, de l’Université Harvard, souligne l’absence de preuves convaincantes que les mouvements oculaires aient un effet thérapeutique unique. Il argue que les bénéfices observés pourraient être dus à d’autres facteurs communs à de nombreuses formes de psychothérapie, comme l’exposition au souvenir traumatique et la relation thérapeutique.
Plusieurs études ont tenté de démontrer la spécificité des mouvements oculaires dans l’EMDR :
- Une méta-analyse publiée dans le Journal of Behavior Therapy and Experimental Psychiatry en 2018 n’a pas trouvé d’avantage significatif des mouvements oculaires par rapport à d’autres formes de stimulation bilatérale ou à l’absence de stimulation.
- Une étude de 2019 dans le Clinical Psychology Review a conclu que les effets de l’EMDR pouvaient être obtenus sans les mouvements oculaires, remettant en question leur rôle central dans la thérapie.
Ces résultats alimentent les doutes sur la validité théorique de l’EMDR et soulèvent des questions sur la nécessité de maintenir les mouvements oculaires comme composante essentielle du traitement.
Les préoccupations éthiques liées à la pratique de l’EMDR #
La pratique de l’EMDR soulève plusieurs questions éthiques qui préoccupent les professionnels de santé mentale. Ces préoccupations portent notamment sur le consentement éclairé des patients, la gestion des attentes et la responsabilité des praticiens.
Le Dr. Kenneth Pope, ancien président du comité d’éthique de l’American Psychological Association, souligne l’importance d’informer pleinement les patients des controverses entourant l’EMDR. Il insiste sur la nécessité d’un consentement véritablement éclairé, incluant une discussion sur les risques potentiels et les alternatives thérapeutiques disponibles.
Parmi les problématiques éthiques fréquemment soulevées :
- Le risque de créer de faux souvenirs lors des séances d’EMDR
- La gestion des réactions émotionnelles intenses pendant et après les séances
- La difficulté à évaluer objectivement les progrès du patient
- Le maintien des frontières thérapeutiques dans une approche impliquant un contact visuel prolongé
En France, le Conseil National de l’Ordre des Psychologues a émis des recommandations sur la pratique de l’EMDR, insistant sur la nécessité d’une formation solide en psychopathologie et en gestion de crise avant de se former à cette technique. Ces directives visent à garantir une pratique éthique et sécurisée de l’EMDR, tout en reconnaissant les débats qui entourent cette approche.
L’absence de standardisation des protocoles EMDR #
Un autre point de critique concerne le manque de standardisation des protocoles EMDR. Bien que Francine Shapiro ait défini un protocole de base en huit phases, de nombreuses variantes et adaptations ont émergé au fil des années, rendant difficile l’évaluation cohérente de l’efficacité de la méthode.
Le Dr. Scott Lilienfeld, de l’Université Emory, souligne que cette prolifération de protocoles rend complexe la comparaison des études et la réplication des résultats. Il argue que sans une approche standardisée, il est difficile de déterminer quels aspects de l’EMDR sont véritablement efficaces et lesquels sont superflus.
Les variations dans la pratique de l’EMDR incluent :
- Des différences dans la durée et la fréquence des séances
- Des variations dans les types de stimulation bilatérale utilisés (visuelle, auditive, tactile)
- Des adaptations pour des populations spécifiques (enfants, personnes âgées, patients atteints de troubles dissociatifs)
- L’intégration d’éléments d’autres approches thérapeutiques
Une étude publiée dans le Journal of EMDR Practice and Research en 2020 a mis en évidence les disparités importantes dans la façon dont l’EMDR est pratiquée à travers le monde. Cette hétérogénéité pose des défis pour la recherche et l’évaluation de l’efficacité de la thérapie, ainsi que pour la formation des praticiens.
Conclusion : Une approche controversée nécessitant plus de recherches #
L’EMDR reste une approche thérapeutique controversée, malgré sa popularité croissante. Les critiques soulignent le manque de preuves scientifiques solides, les risques potentiels pour les patients, et les questions éthiques liées à sa pratique. Bien que certains patients rapportent des bénéfices significatifs, la communauté scientifique reste divisée sur l’efficacité réelle de cette méthode.
Il est clair que des recherches supplémentaires, menées avec une rigueur méthodologique accrue, sont nécessaires pour clarifier les mécanismes d’action de l’EMDR et évaluer son efficacité par rapport à d’autres approches thérapeutiques établies. En attendant, les patients et les praticiens doivent aborder l’EMDR avec prudence, en étant pleinement conscients des controverses qui l’entourent et des alternatives disponibles.
L’avenir de l’EMDR dépendra de sa capacité à répondre aux critiques de manière scientifique et transparente, tout en continuant à évoluer pour répondre aux besoins complexes des patients souffrant de traumatismes psychologiques. Dans ce contexte, une approche intégrative, combinant les éléments les plus prometteurs de l’EMDR avec d’autres modalités thérapeutiques validées, pourrait offrir une voie prometteuse pour le traitement des troubles liés au trauma.
Les points :
- EMDR : Les critiques et controverses autour de cette thérapie
- Le manque de preuves scientifiques solides
- Les risques de retraumatisation
- La formation des praticiens remise en question
- L’effet placebo suspecté
- Les dérives commerciales dénoncées
- Les limites face aux traumatismes complexes
- Le risque de négligence d’autres approches thérapeutiques
- Les controverses autour du mécanisme d’action
- Les préoccupations éthiques liées à la pratique de l’EMDR
- L’absence de standardisation des protocoles EMDR
- Conclusion : Une approche controversée nécessitant plus de recherches